Chapitre [164]

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- Que l'on apporte tous les plats!! Cria joyeusement Junot.

La longue table était dressée, munie d'une nappe blanche et de couverts en argent. Junot s'y installa, suivi de sa femme qui s'assit à ses côtés.

- Madame, vous permettez que je m'assoie près de vous?

Laure leva la tête pour voir qui était cet homme qui lui adressait la parole. C'était Lucien. Elle ne le connaissait que très peu, mais l'on disait que même si son physique ressemblait à celui de son frère, ils étaient très différents au caractère. Peut-être arriveraient-ils à s'entendre, alors.

C'était un grand dîner, et tous les français hauts placés se trouvant au Portugal y étaient conviés, et même ceux étant en Espagne comme Lucien, avaient fait le chemin pour s'y rendre.

Ils avaient tous un but plus ou moins précis en s'y rendant, mais Lucien, lui, avait un plan qu'il ne saura rater.

Il s'installa convenablement et observa vaguement la grande tablée.

Le but était de parler de la situation politique du pays et de l'Empire, mais la plupart des gens trouvèrent plus intéressant de parler de comérages ou d'anecdotes drôles.

- Lucien! Comment allez-vous??

Ce dernier se retourna vers son interlocuteur. Oh, le petit chien fidèle de son frère aîné.

- Très bien. Et vous, Monsieur Junot? Avez-vous eu des nouvelles de l'Empereur?

L'appeler ainsi... erk. Cela le dégoûtait.

- Pas depuis une semaine... mais je sais qu'il se porte bien. Il ne me dit pas grand-chose sur l'avancée des troupes en Autriche, mais je sais que les paysages y sont jolis!

Lucien fit mine d'acquiescier, même de rire légèrement, alors qu'intérieurement, il grognait. Il se doutait bien que les lettres de son frère aîné et de son amant dévoué ne parlaient pas des tensions franco-espagnoles. Et il ne voulait pas le savoir. Ah... cet amour dégoulinant et idiot qu'ils partageaient. Encore une chose en rapport avec son frère qui lui donnait envie de vomir.

- Il m'a aussi écrit qu'en voyant une fontaine dans un village autrichien, il pensa à une fontaine des Tuileries qu'il fallait réparer! Il a donc envoyé une missive avec cet ordre, pour qu'elle fonctionne à son retour de la campagne! Vous savez, celle qui se trouve en bas à droite, près des buissons de roses. cela faisait plus de trois mois qu'elle ne fonctionnait plus.

Maintenant, c'était officiel, Lucien avait réellement envie de baffer cet imbécile heureux de bourguignon.

Laure, quant à elle, se demanda franchement pourquoi le frère cadet de l'empereur s'était mis à côté d'elle si c'était pour discuter avec son mari. Et pour parler du dit empereur, qu'elle ne pouvait pas supporter, en plus. Génial. La soirée commençait vraiment bien.

- ...Mais le problème, avec ces buissons de roses, c'est qu'ils poussent trop, et envahissent le chemin. Et nous sommes obligés de les couper, mais c'est dommage, de couper de si belles fl-

- Oh, Monsieur Junot! Regardez, le vin arrive! Le coupa-t-il d'un sourire des plus faux.

Lucien mis sa main dans sa poche et prit l'objet de son plan diabolique dans sa main.

Un sourire maléfique couronna ses lèvres.

Il attendit que les plats leur furent servis, et une fois que les assiettes furent pleines, il jeta un coup d'œil sur sa voisine. Elle regardait dans la direction opposée, parlant à son mari. Il observa rapidement autour. Tout le monde avait l'air plus ou moins engagé dans une discussion et personne ne faisait attention à lui. Tant mieux! C'était le moment parfait... il sortit sa fiole et l'ouvrit discrètement, pour-

- Oh, d-desculpe-me!!

Lucien observa avec horreur le résultat. À cause de cet abruti de serviteur qui l'avait bousculé, le poison s'était retrouvé dans sa propre assiette. Son sang ne fit qu'un tour, il se leva brusquement et attrapa le pauvre garçon par le col, s'attirant tous les regards.

- COMMENT AS-TU OSÉ POSER TA MAIN SUR MA PERSONNE!?! UNE TELLE MALADRESSE DEVRAIT ÊTRE PUNIE PAR PENDAISON!!

Voyant tous les regards fixés sur lui, il se tut immédiatement.

Il observa le serviteur qui était devenu blanc comme un linge avant de le jeter au sol en grognant, et de s'assoir sans dire mot.

- Je me suis emporté, veuillez me pardonner, dit-il en voyant que les autres attendaient une explication.

Mais il ne leur en donna pas plus.

- Si je puis me permettre, votre Majesté, vous devriez mieux vous tenir.

Lucien foudroya Laure du regard. Pour qui se prenait-elle, cette sotte de femme?!

Il ne lui en tint pas rigueur et fixa avec dépit sa viande qui était teintée du poison rouge, et non de sang comme le confondait les autres.

- Ne mangez-vous pas votre viande? Demanda Laure, à la fois curieuse et surprise.

- Non, je la trouve... avariée, mentit-il.

- Elle est pourtant des plus tendres, et a été chassée cet après-midi.

- Eh bien je n'ai pas faim!!

La jeune femme se tut face à ce ton un peu trop autoritaire. Elle n'alla pas chercher plus loin, et regretta aussitôt de ne pas s'être assise près de ses amies. Entre l'un de ses voisins qui lui déversait sa mauvaise humeur et l'autre qui était déjà saoûl et riait sur tout et n'importe quoi...

Lucien aurait voulu fracasser l'assiette au sol, la fracasser sur Laure qui aurait une bonne fois pour toutes fermé son clapet, crier sur l'intégralité des invités à en perdre la voix et partir en claquant la porte si fort qu'elle se serait brisée en morceaux comme un miroir, mais il devait se retenir et ne garder cette colère qu'intérieurement. Très bien, son plan avait échoué. Mais qu'à cela tienne, c'était la dernière fois. La prochaine sera la bonne, et ce ne sera sûrement pas aussi futile et désespéré que l'assassinat d'une simple femme... non, cela allait enflammer le pays, l'Europe toute entière!!

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant