Chapitre [168]

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De retour à Paris, quelques semaines plus tard, Junot rentra en trombe dans le bureau et fit presque sursauter l'empereur qui aurait eu une crise cardiaque s'il n'était pas habitué à cette bourrasque.

- Junot. Comme d'habitude, tu rentres sans avoir demandé d'audience, sans avoir prévenu personne de ta venue ni même frappé à la porte. Que veux-tu?

- Vous devriez savoir... le général Clarke!! Il a été... insultant dans la lettre qu'il m'a envoyé à Salamanque!!

- Encore un de tes caprices? Et de plus il n'est pas récent...! Tu es insupportable. Déjà me rejoindre en Autriche, et maintenant tu me fais toute une affaire d'une lettre! Tu apprendras un jour que même lorsque nous sommes haut placé, nous ne sommes pas aimé de tous... je te l'ai déjà dit, me semble-t-il.

- Soyez persuadé, mon général, que vos affaires iraient bien mieux si nous n'avions pas à traiter avec un homme aussi dissident! Et je ne suis pas le seul à le penser, tous les autres maréchaux, que se soit Lannes, Ney ou Murat, partagent mon avis! On ne peut plus supporter les manières impertinentes du général Clarke. Moi, qui suis grand officier de l'Empire, gouverneur de Paris, général en chef d'une grande et belle armée que vous avez la bonté de me confier, et surtout votre premier aide-de-camp, je souhaite que le général Clarke, ministre de la police et de la guerre, soit retiré de ses fonctions! Il n'a jamais vu la guerre que dans les tableaux! Alors, que cet homme me respecte et qu'il me traite comme je dois être traité, ou alors à son retour, je lui ferai faire connaissance avec l'odeur de la poudre!!

Napoléon se massa les yeux. Et c'était lui qui était censé être l'arrogant dans l'histoire.

- Junot, calme-toi. Tu crois vraiment que tu peux te permettre de décider de telles choses? Tu n'es pas à ma place!

- Mais c'est un traître, un imbécile!!

Il était las, mais las...

- Accepteras-tu un jour que l'on peut avoir d'autres idéaux que les miens, et qu'il ne faut pas plomber tous ceux pour qui ce n'est pas le cas?!

- Mais il vous manque de respect, à vous, et à moi aussi... et cela, c'est pour moi bien trop difficile à supporter!

- Ce qui est bien trop difficile à supporter, c'est toi, Junot!!

Il se tut à cette réplique. Il aurait voulu s'excuser, fondre en larmes, mais il se retint. Il croisa seulement les bras en baissant la tête.

Son homologue aurait voulu continuer, lui dire qu'il allait beaucoup trop loin, qu'il ne devait pas s'énerver autant pour si peu, mais il voyait bien que cela ne servirait à rien. Junot était possessif, paranoïaque et susceptible, et ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait réussir à le changer. Et c'était pas faute de ne pas avoir essayé.

- Bon, pour régler cela, je vais t'autoriser une grande chose ; lorsque tu seras en campagne, tu ne correspondras qu'avec moi, et le général Clarke correspondra avec ton chef d'état-major... es-tu content?

- Vous voulez dire... correspondre avec vous officiellement aussi?

- O-Oui!

Les lettres non-officielles, il ne voulait absolument pas s'en souvenir.

- M-Mais... je... m... merci beaucoup!

Un grand sourire se dessina sur son visage. Il lui prit aussitôt les mains et les lui serra le plus fort possible.

- Je suis si heureux, mon général~! Je... Je ne puis que promettre mon sang pour tant que bonté...

- Cesse d'exagérer. Et ton sang, je souhaiterais ne pas le revoir couler avant longtemps. Quand au général Clarke... qu'on me l'amène. Et toi, Junot, tu sors.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now