Chapitre [36]

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Au final, Junot s'était emmêlé dans les fils et les mesures, sans compter les blessures aux doigts, et la couturière avait fini par avoir pitié de lui. Elle lui avait donc cousu sa chemise avec une rapidité qui avait étonné le jeune homme. Il s'en voulait, il aurait voulu que ce vêtement fût fait de ses propres mains, mais malheureusement ses mains étaient faites pour manier l'épée et le fusil et il était bien loin d'avoir des doigts de fée. Quand il repensait à Marmont, et son diplôme des Beaux-Arts, qui avait la faculté de bien dessiner et d'exceller aux travaux manuels habiles, et lui, même pas capable d'aligner une ligne droite. Mais bon, sa belle calligraphie compensait le tout.

Il faisait déjà nuit dehors quand il s'engagea dans la rue qui le menait à leur hôtel. Il avait passé toute la journée à essayer vainement de coudre puis à observer comme hypnotisé les mouvements incessants des mains de la couturière.

Il entra dans l'hôtel, et voyant que personne n'était à la cuisine - comme toujours - il monta directement à l'étage, se rendant dans sa chambre sans y frapper. Napoleone était, comme toujours, accoudé à son bureau à travailler sur il-ne-savait quoi, tandis que Marmont et Muiron étaient assis sur le lit à se faire une partie de cartes. D'ailleurs il se demandait comment son général parvenait à se concentrer avec le bruit que faisaient ces deux-là.

- Oh, Junot, tu es rentré! S'exclama Marmont en le voyant. Où étais-tu?

- Chez la couturière! Mon général, j'ai quelque chose pour vous!

Pas de réponse.

- ...Mon général?

Junot lui tapota l'épaule, et ce dernier se retourna en enlevant ses bouchons d'oreille.

- Hm? Oh, Junot, c'est toi...! Que veux-tu?

- J'ai quelque chose pour vous!

- Qu'est-ce?

- Fermez les yeux!

- ...Tu vas encore me faire un mauvais tour.

- Mais non! Promis.

Soupirant, il se contraint à fermer les paupières. Junot ne put pas résister. Il prit son visage dans ses mains et l'embrassa brutalement, sans aucune douceur.

Le corse réceptionna le baiser comme il pu, avant de le repousser.

- J-Junot! Tu vois, que t'avais-je dit?!

- Tenez!

Il lui tendit le vêtement de ses deux mains, bien plié.

- Je... euh... merci...

Il prit donc la chemise dans ses mains et l'observa, surpris.

- Elle est... originale... où l'as-tu trouvée?

- J'ai choisi les couleurs et je l'ai cousue moi-même~! Bon, la couturière m'a un peu aidé. Beaucoup même. Mais c'est moi qui en ai entreprit la conception!

- Je comprends maintenant pourquoi il y a autant de couleurs.

Napoleone finit par sourire. Cette chemise était assez fantasque, mais l'attention lui faisait tout de même chaud au cœur. Il n'aurait jamais le cran nécessaire de la porter en public, Mais il pourra toujours la mettre sous sa veste, ou en privé.

- Merci, Junot.

Pour appuyer ces paroles, il lui embrassa rapidement la joue.

- Qu'est-ce, cette chose? Tu l'as volée à un saltimbanque? Demanda Marmont en toisant le vêtement après avoir levé la tête de son jeu.

- Ne te moque pas!

- Non, mais je la trouve jolie. Je suis juste jaloux~.

- Je ne t'aime pas autant que mon général. Ou plutôt pas de la même façon.

- Ça, je l'avais déjà compris depuis longtemps.

- Mon général, mettez-là, cette chemise! Maintenant.

- P-Pas devant tout le monde!

- Nous ne sommes que quatre... et on ne vous demande pas non plus de vous dévêtir entièrement... en plus, Muiron et Marmont jouent et ne nous regardent même pas.

- Peu importe! Retournez-vous, alors!

Junot soupira et obéit. Mais il ne tint pas longtemps, car il se retourna dès qu'il était torse nu.

Encore une fois, ses yeux voulaient toucher et il s'empressa de déposer un baiser appuyé sur son épaule, tout en laissant sa main descendre le long de son dos.

- J... Junot...!!

Il mit sa main sur sa bouche. Ce son qui était sorti malgré lui...!!

- Hmm... mon général... gémit le blond en l'enlaçant et en laissant ses lèvres plonger dans son cou.

- Junot, arrête, nous... ne sommes pas seuls!!

- Peu importe... peu importe...

- NON, PAS PEU IMPORTE!!

Il se releva, se retournant contre son amant, les dents serrées. Puis il regarda les deux autres.

- Vous... PRENEZ VOS CARTES ET SORTEZ!! TOUT DE SUITE!!

Sachant très bien qu'il ne fallait pas discuter avec un Napoleone Buonaparte en colère, les deux sortirent immédiatement.

- Qu'est-ce qu'il lui prend...? Demanda Muiron en refermant la porte.

- Ne cherche pas. Continuons notre partie dans notre chambre.

- Vous n'avez toujours pas essayé votre chemise, dit Junot comme si de rien n'était.

Il s'approcha bourguignon et le plaqua au lit.

Junot le regarda avec un air incrédule.

- Junot... Junot, bon sang, pourquoi me fais-tu toujours perdre tous mes moyens?!

Son compagnon lui sourit et caressa sa joue.

- Car vous mettez mon cœur en émoi et qu'il vous renvoie sa confusion.

Il l'embrassa, tout doucement, tendrement, constrastant de ses baisers brutaux et passionnés habituels.

Sa main retournait caresser son dos tandis qu'il le rapprochait de lui jusqu'à avoir son corps collé au sien.

Son cœur battait la chamade, et cette danse n'allait pas cesser de sitôt.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant