Chapitre [163]

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Le Thiers finit de refaire le lit et alla s'attaquer à la table de nuit quand un objet retint son attention. C'était une fiole, qui tenait entre deux doigts, avec un liquide rouge vif. Du sang...? Non, quand même pas... enfin... son maître était capable de tout...

Il sursauta lorsque le maître en question ouvrit grand la porte dans un fracas.

- Ah, quelle imbécile, cette femme! Elle se dit intelligente, mais ne sait pas aligner trois mots sans dire de bêtise! Que fais-tu là, toi?! Je t'avais ordonné de ranger mon bureau!!

- O... Oui, pardon... je finissais juste... de remettre votre lit en état...

Lucien ne l'écouta pas et alla prendre la fiole en main.

- Demain sera un grand jour, mon petit. Une personne quittera ce monde pour de bon...

Pour une fois, sa curiosité dépassa sa timidité.

- Qui... Qui donc...?

Étonnamment, Lucien ne se priva pas de l'informer de ses plans.

- Laure Junot.

Junot... C'était un général qui avait été envoyé au Portugal en tant qu'ambassadeur par l'Empereur... il avait déjà entendu parler de lui. Laure, ce devait être sa femme. Elle devait sans doute l'accompagner.

- Mais... pourquoi vouloir la tuer?

- Parce que c'est amusant~! Et aussi, j'espère pouvoir tirer de cette mort le retour de son mari en France. Mon frère à dû demander à son chien fidèle de me surveiller de loin, j'en suis persuadé! Et à cause de cela il y a bon nombre de choses que je dois me retenir de faire... si Junot rentre à Paris au lieu de rester au Portugal, je serai débarassé de lui et de tous ses petits espions! Je suis invité à un dîner à la cour portugaise la semaine prochaine, ce sera l'occasion parfaite.

- Mais... comment pouvez-vous être sûr que Junot repartira à Paris après la mort de sa femme...?

- Contrarierais-tu mes idées? Si Laure Junot meurt, ils retourneront sans doute tous à Paris pour lui faire des obsèques! Pendant qu'ici, je pourrai prendre le Portugal et l'Espagne sous mon joug...

Il afficha un sourire pas très rassurant et serra la petite fiole dans sa main.

- Tiens, laisse ce bureau et viens m'aider à m'habiller. J'ai un dîner important avec un comte qui vient de loin. Si je parviens à le manipuler comme il faut, il pourrait avoir de l'influence sur les mauvais sentiments du roi d'Espagne pour l'Empereur.

Le Thiers ne comprenait pas. Était-il pour les Français ou pour les Espagnols, à la fin?

- Voudrez-vous que je vienne pour vous servir d'interprète?

- Non, merci, il sait parler français. De plus, je finis par connaître l'espagnol, à force.

Le garçon retira la chemise de son maître et ne put s'empêcher d'observer les courbes de son dos. La peau était si blanche, comparé à son visage qui était si bronzé... et il avait ce grain de beauté près d'une côte, à gauche...

- Eh bien, qu'attends-tu? Je suis pressé!

- O-Oui, bien sûr, pardon!

Il se hâta de prendre une chemise propre dans l'armoire et l'aida à l'enfiler. Puis il se mit devant lui pour la boutonner, tandis que Lucien regardait ailleurs, les mains sur les hanches. Il fixa un instant ce torse nu, tout aussi clair que son dos, mais secoua vite la tête.

Pour se changer les idées, il repensa aux plans de son maître. Non, c'était vraiment immoral.

- Monsieur, j'insiste... vous ne pouvez pas faire quelque chose d'aussi dangereux...

- En quoi cela te regarde? De plus tu n'as aucune raison de t'inquiéter, tu seras protégé. D'ailleurs, si tu racontes mon plan à qui que ce soit... plus jamais tu ne reverras ceux que tu aimes.

- Je vous jure de garder le silence...

Le garçon baissa les yeux. Celui qu'il aimait, c'était lui... oui, il était tombé amoureux du Diable. C'était peut-être mal, mais il était tombé dans un piège, et c'était trop tard pour en sortir. Et même si Lucien tuait chaque personne de se monde, il continuerai de lui obéir, si cela ne l'empêchait pas de le garder auprès de lui.

- C'est bien. Bon chien.

Il ne répondit rien, hésitant à dire un "merci" qui renforcerai encore plus sa position de quasi-esclave. Et encore... les esclaves étaient des humains...

Il l'habilla de sa veste, lui attacha ses quelques médailles et se recula un peu en s'inclinant légèrement.

- J'ai fini de vous préparer, Monsieur.

- Tu continueras de ranger cette chambre et lorsque tu auras fini, tu feras ce que tu veux. Tu es libre jusqu'à demain matin. Je suis de bonne humeur.

Et sans rien dire de plus, même pas un au revoir, il quitta la pièce.

Le Thiers resta quelques minutes debout, à fixer la porte fermée, puis il se retourna et se dirigea lentement vers le grand lit aux draps de soie rouge carnin, les mêmes que ceux qu'il avait en Espagne.

Il s'y assit et caressa le tissu du bout des doigts, remontant jusqu'à un des coussins. Il hésita un peu, mais finalement il ne put pas résister. Sans réfléchir, il plongea son visage dans l'oreiller et inspira l'odeur.

C'était... presque enivrant.

Le Thiers ferma les yeux. Il resta ainsi, l'oreiller serré contre lui et les genoux remontés.

Bon sang... il était vraiment damné.

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant