Chapitre [10]

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Junot couru dans la rue aux pavés encore trempés de la récente averse. L'hiver était vite passé et le mois le Mars était arrivé avec un grand Soleil, le même qui éclairait Paris après le passage des nuages gris. Tout comme ce Soleil, le sourire du bourguignon était lumineux. Enfin, il pouvait sortir sans se transformer en bonhomme de neige! Il faisait encore frais mais il n'était pas frileux, et une chemise sur le dos lui suiffisait amplement. Quant au corse qui le suivait d'un pas lent, il grelotait encore, enveloppé dans le redingote qu'il lui avait offert. Lui, il était frileux.

Junot se retourna et lui cria d'un air enjoué :

- Mon général!! Venez donc!! Regardez, ces arbres bourgeonnent déjà!!

- Comment... Comment fais-tu... il fait si froid...!! Rien que de te voir avec ta chemise... j'ai froid pour toi! Tu es un inconscient!! Brrr... je serais bien resté sous les couvertures... au chaud... sous un toit... pourquoi t'ai-je suivi dehors...!

- Vous êtes un ermite! Et puis si vous avez froid en Mars à Paris, que serait un hiver en Russie ou en Suède!

- Ne me donne pas plus froid! Jamais, jamais je n'irai dans l'un de ces pays glacials en plein hiver, ou alors, je serai fou!! Cracha-t-il en claquant des dents.

Le blond ne répondit rien à part un rire. Il continuait d'avancer gaiement en s'extasiant sur tout ce qu'il voyait.

- Vous avez vu cette pancarte? Et ces fleurs! Elles sont si belles! Oh!! Et cette maison, ses volets sont bleus!!

- Je constate, oui...

- Et le chien là-bas! Et ce buisson!

- Oui, je vois, Junot, j'ai des yeux, tout comme toi.

Il avait vraiment l'impression d'accompagner un enfant à sa première sortie...

- Et vous avez vu ce nuage? Il est en forme de bouteille de vin!

- Ça en dit long sur tes inclinations.

- Le vin... il n'y a rien de mieux! Surtout lorsque vous avez froid! Nous devrions aller boire un peu tout à l'heure.

- Si tu le souhaites... même si je n'apprécie pas tant le vin que cela. Ni aucun autre alcool.

- ...Vous faites peur, avec votre grande redingote et vos longs cheveux décoiffés.

- ....Pardon?

- Vous ressemblez à un spectre!

- C'est très aimable de ta part...

- Mais ne vous en faîtes pas, même si vous effrayez, vous restez très beau.

Il ne sut trop pourquoi, cette remarque lui réchauffa le cœur.

- Et puis au moins, aucun malfrat n'aura l'initiative de vous voler. De toutes façons, s'il y en a un seul qui s'approche de vous, il goûtera à mon poing au milieu de la figure!!

- Merci, Junot.

Ce dernier lui sourit en retour. Un sourire qui n'était adressé qu'à lui.

Junot longeait la grande rue presque vide d'un air soudainement pensif. Il y avait peu de monde. Vu les temps, il n'était pas très conseillé de traîner dehors, aussi. En ce mois de Mars 1794, la guillotine et la Terreur faisaient encore des ravages. Mais ils étaient au sud de Paris, ils venaient même de traverser la Seine, les lieux étaient moins dangereux. Tant qu'ils restaient dans ce périmètre, ils étaient encore en sécurité. Oui, on ne risquait rien si on n'était pas accusé, mais l'innocence pouvait vite être inutile quand un groupe en colère et friand de décapitation décidait de vous embarquer ou qu'un idiot disait vous avoir entendu dire un mot de trop. Cette révolution avait pourtant bien commencé...

Il se retourna pour voir si son compagnon le suivait bien, et il remarqua qu'il s'était arrêté. Et qu'il était accroupi et caressait un chat. Junot s'approcha et haussa un sourcil.

- Regarde, Junot... n'est-il pas adorable?

- Bah... c'est un chat, quoi. Il y en avait plein dans mon village lorsque j'étais enfant.

- Moi, je n'en voyais quasiment pas, à Brienne.

- Brienne? Nous n'étions pas si loin l'un de l'autre finalement!... C'est juste à côté de chez moi! C'est même là que je voulais aller étudier.

- En effet, il me semble que tu me l'avais déjà dit. Comme quoi... nous avons raté une occasion de nous rencontrer plus tôt.

- En effet... mais le principal c'est que nous nous soyons rencontrés, non~?

- O... Oui...

Pour cacher ses rougeurs apparentes, il se concentra sur le félin au poil noir.

- Vous ne voulez pas le prendre avec vous?

- Voyons! Il appartient peut-être à quelqu'un! Et je ne saurais m'occuper correctement de cette brave et adorable bête.

- Alors occupez-vous de moi! Je serai votre chat bourguignon! Rit-il.

- Haha, je ferai de mon mieux. Même si c'est, pour l'instant, davantage toi qui prend soin de moi.

- Oui, mon général...

Il passa une main sur son épaule, une main chaude, réconfortante.

Il s'en voulu de vouloir plus.

- Allons... allons boire ce vin que tu veux tant, bredouilla-t-il en se relevant maladroitement.

L'animal observa les deux hommes s'en aller côte à côte.

Ils ne semblaient pas être indifférents l'un à l'autre...

Folie rime avec irréfléchiOnde histórias criam vida. Descubra agora