Chapitre [56]

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- Tu dors tout le temps, Francesco, rit Sébastien en lui caressant les cheveux.

- J'aime dormir, c'est tout! Et puis il fait si chaud... et nous n'avons rien à faire.

- Nous n'avons rien à faire car nous préférons nous prélasser au bord du Nil plutôt que d'aller à l'entraînement!

- C'est vrai, rit-il.

Francesco avait la tête posée sur les genoux de son ami et il la tourna pour lui sourire. Il prit un air étonné en voyant le livre qu'il avait dans les mains.

- Que fais-tu, tu lis? Toi?

- Oui, je l'ai pris à la bibliothèque d'Alexandrie! Je suis curieux de connaître toute cette culture.

- Et depuis quand sais-tu lire l'arabe? Rit le napolitain.

- Il y a beaucoup de dessins!

- Comme un enfant. C'est adorable. En parlant d'enfant... pourquoi as-tu accepté d'emmener Alexandre avec toi?

Sébastien soupira. Il n'avait pas vraiment envie d'évoquer ce sujet.

- On en a déjà parlé. Il voulait absolument partir avec moi, et puis... il ne faisait que des bêtises, et notre mère voulait qu'il aille à la guerre pour que cela le discipline un peu.

- Tu penses que nous ferons la guerre?

- Pourquoi crois-tu que nous sommes là? Pour s'amuser?

C'est vrai qu'au début il pensait le contraire, et il doutait comme Francesco. Mais à présent il ne fallait plus se voiler la face. Il l'avait bien vu lors de la bataille des pyramides. Les français étaient bien là pour faire la guerre...

- Je m'amuse, moi! Et puis... je ne sais pas, je pensais que nous n'étions là que pour protéger les scientifiques et les chercheurs en cas d'une attaque anglaise ou ottomane.

- Pourquoi serions-nous autant de soldats si ce n'était que pour ça? Je suis sûr que concernant ce pays, le général en chef a des ambitions bien plus grandes que ce que le Directoire soupçonne, avança-t-il.

- Si tu le dis. Nous verrons bien. Pour l'instant, je veux juste profiter de ce moment de repos.

Francesco ferma les yeux un instant, et lorsqu'il les rouvrit, il se trouva nez-à-nez avec une tête rousse.

- Tu dors, Fran'?

Le Soleil l'aveuglait presque et il plissa les yeux pour apercevoir le garçon plus nettement.

- Pas vraiment... je me repose juste. Et toi, tu n'es pas a l'entraînement?

- Non, c'est trop dur! En plus, le général Junot est à moitié saoûl, il ne nous dit aucune indication sensée.

- Pourquoi cela ne m'étonne-t-il pas? Il va encore se faire disputer par le général en chef.

Le jeune garçon n'écouta pas la remarque et fixa longuement les deux hommes avant de dire d'une voix curieuse et tout à fait innocente :

- Dis, 'Bastien, est-ce que tu as avec Fran' la même relation que le général Junot a avec le général en chef?

Le cœur de son frère sursauta.

- Pardon? Bien sûr que non, Alexandre! Râla-t-il en roulant des yeux, les joues néanmoins légèrement rouges.

Non, c'est d'une femme dont il tombera éperdument amoureux!

- Oooh, le rejet dont tu fais part pour mon amour me brise le cœur...! Dit Francesco d'un air dramatique et moqueur.

- On peut aimer un homme autant qu'une femme?

- Bien sûr que non!

- Bien sûr que oui...

Le plus jeune regarda ses aînés d'un air confus.

- Sébastien ne comprend pas, c'est tout.

- Qu'est-ce que je ne comprends pas?! Je ne vois pas comment un homme pourrait en aimer un autre alors que ce monde est rempli de magnifiques jeunes femmes.

- Eh bien moi vois-tu, je ne comprends pas comment on peut aimer tout court autre chose que la guerre, lui répondit-il pour se moquer même s'il y avait tout de même une part de vérité.

- Tu n'es jamais tombé amoureux, Fran'~? 'Bastien, lui, il tombe toujours amoureux de plein de femmes différentes, et il se fait toujours rejeter!

- Tu n'avais pas besoin de le préciser! Grogna ce dernier.

- Eh bien, non, je ne suis jamais tombé amoureux. Je n'en ai pas besoin. Ma famille et vous me donnez déjà beaucoup d'affection, je n'en ai pas besoin de davantage. J'aime bien les jolies filles moi aussi, c'est vrai, mais je préfère converser avec elle et apprendre de leur savoir que... leur faire la cour, comme ton frère.

- Ça, c'est parce que tu es intelligent!

- Et dis que moi je suis sot, renchérit son grand frère.

- Mais non! En plus, tu... lis?! Tu lis?! Où as-tu trouvé ce livre?! Tu arrives à comprendre la langue d'ici?!

- Alexandre? Viens, je dois te parler.

Les trois hommes levèrent la tête vers le nouveau venu. C'était un soldat, tout comme eux, dont l'uniforme était tout aussi soigné que ses cheveux bruns et courts.

- Qu'y a-t-il, Valentin?

- Tu vas voir. Viens, rajouta-t-il avant de l'entraîner plus loin.

- Que lui veut-il? Demanda Francesco en les regardant s'éloigner.

- Valentin est un bon soldat, et il a sympathisé avec Alexandre. Je lui ai demandé de lui apprendre des techniques de défense.

- De défense..? C'est plutôt des techniques d'attaque qu'il faut apprendre pour survivre sur le champ de bataille!

- Je sais... mais il saura au moins comment bien se protéger.

- C'était tout de même dangereux d'emmener ton petit frère avec toi.

- Oui... mais je ferais tout pour le garder en bonne santé et souriant à mes côtés.

~ ☘ ~

Napoléon regardait le grand bâtiment qui siégeait juste devant lui avec des yeux d'enfants. Son sérieux s'était évaporé dès qu'il avait lu seules les inscriptions du monument.

La prise d'Alexandrie et du Caire n'était rien à côté de ce rêve qu'il chérissait depuis des années, et qui était enfin devenu réalité...

Lui, qui était pourtant un très bon orateur, osait à peine prendre la parole.

Qui aurait pu croire qu'un jadis lieutenant d'artillerie aurait pu se retrouver à cette place en seulement quelques années...?

Tournant le dos à la foule, il prit une grande inspiration, observa une dernière fois la grande entrée et se tourna vers elle.

- Je déclare l'ouverture et la mise en fonction... de l'Institut d'Égypte!

Des applaudissements, des cris, tout était là pour prononcer une bonne ambiance.

Un grand sourire ornait les lèvres du général en chef, un sourire que l'on n'avait plus vu depuis longtemps.

Les mains derrière le dos, il observait le regroupement de soldats, savants, civils, cette population française en extase qui se mêlait aux arabes curieux.

Aujourd'hui était un grand jour pour lui, et surtout un grand jour pour la France et pour l'Égypte.

Folie rime avec irréfléchiUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum