Chapitre [106]

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- Avouez que vous considérez Joséphine bien plus comme votre mère que comme votre femme.

Napoléon leva la tête vers Augereau et lui lança un regard à la fois noir et dégoûté.

- ....Quelle idée!!

- Je vous ai entendu l'appeler "maman"...

- Oui, elle me charriait sur mon jeune âge alors je lui ai rendu la pareille. Une taquinerie, voilà tout!

- Quelle étrange relation... vous l'aimez, rassurez-moi?

- Bien sûr que je l'aime. Sinon, pourquoi l'aurais-je prise comme épouse?

- Vous avez raison...

Napoléon ne mentait pas. Il l'aimait, Joséphine. Certes, il ne l'aimait pas autant qu'au premier jour, et pas comme Junot... mais c'était... un amour différent. Et compliqué. Tout était compliqué dans cette vie.

- Que faites-vous? Demanda-t-il en s'approchant du bureau.

- Je recense les recettes mensuelles des taxes sur le beurre depuis avril dernier pour vérifier si elles sont croissantes et les taxes utiles. Et toi, que fais-tu à traîner dans mon bureau? Pour une fois que Junot n'est pas là, je ne puis même pas être seul.

Le Duc de Castiglione croisa les bras et s'appuya contre le meuble.

- Je suis venu vous demander une faveur, et j'attends cela depuis plus d'une demi-heure. Vous étiez tellement plongé dans votre travail que vous avez oublié de m'accorder proprement la parole.

- Eh bien, vois-m'en désolé, mais comme tu peux le voir, j'ai d'autres affaires dont je dois m'occuper, dit-il sans le regarder en retournant une feuille.

Augereau s'assit sans grâce sur le bureau comme s'il s'agissait d'un fauteuil.

- Vous n'êtes donc point curieux de connaître la raison de ma venue ici?

- Laquelle est-elle...? Soupira-t-il en levant cette fois les yeux vers lui.

- Je voudrais une nouvelle demeure!

- ....C'est seulement ça, ta requête?

- Mais celle que je détiens actuellement est bien trop grande!

- Tu veux donc..... un domaine plus petit.

- J'ai toujours vécu dans une petite maison de deux étroites pièces, comprenez qu'un gigantesque hôtel d'une vingtaine de grandes pièces ne me convient pas!

- Je pensais te faire plaisir en te l'offrant.

- Vous m'embarrassez plus qu'autre chose. Et puis, j'aime les petits endroits. C'est chaleureux, familial. L'on s'y sent bien. Alors que dans ces immenses pièces, j'ai l'impression d'être une âme en peine à la recherche de son défunt mari après m'être suicidée par amour...

- Je vois... que tu as eu une enfance relativement heureuse...

- Ah, ça, oui! Et j'remercie mes parents qui se sont autant sacrifiés pour moi! Qu'est ce qu'on a dû s'foutre le trou du cul en quatre pour cultiver à temps nos légumes et les vendre aux marchés avec la famille!

- Augereau... ton langage, soupira le consul en prenant un peu d'encre.

- Mais j'en ai assez de parler comme Louis XVI... c'est un véritable fichtre d'effort que je dois faire! Il rit en voyant la grimace agacée de son interlocuteur. Pis vous vous parlez bien 'vec un accent corse! On l'entend sur plusieurs sons et vous confondez des mots! Alors 'z'êtes mal placé pour critiquer la façon de parler des autres!

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now