Chapitre [77]

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L'armée s'étant séparée en plusieurs divisions sous les ordres de multiples généraux, Francesco et ses compagnons avaient été mis dans celle de Junot. Sauf Valentin et Alexandre, qui avaient dû suivre le général en chef, qui lui remontait la Syrie.

Sébastien repensa sans cesse à leurs aux revoirs. Il n'aurait pas du les laisser les séparer... et s'il lui était arrivé quelque chose...? Ça faisait des jours que ces pensées l'angoissaient.

- Nous allons nous arrêter ici pour la nuit! Cria Junot.

À ce moment-là, l'on entendit des soupirs de soulagement, et des hommes tomber à genoux. Le sable était déjà refroidi par le crépuscule, mais il était un lit de rêve pour les troupes éreintées.

Sous la lueur du soleil couchant, Francesco posa ses affaires au sol. Il plongea la main dans son sac et en sortit de la nourriture, un misérable morceau de pain sec qu'il gardait depuis plusieurs jours. Enfin, c'était toujours mieux que rien.

- Sébastien... as-tu faim, veux-tu de la moitié de mon pain? Lui proposa-t-il généreusement en remarquant sa mine angoissée.

- Oui... merci...

Le napolitain jeta un œil à Andreas et Gabriel, déjà en train de s'installer derrière lui et en pleine conversation, puis se retourna vers son compagnon.

- Allez, souris donc! Nous avons tous encore été braves aujourd'hui.

Il s'assit à côté de lui. Sébastien n'eut pas l'air de réagir. Il tremblait même.

- Sébastien, ça va?

- J'espère que... mon frère va bien...

- Mais oui! Les troupes du général en chef sont en difficulté en Syrie, mais tu n'as pas à t'en faire pour ton frère. Et puis, il est avec Valentin! Il le protège!

- C'est vrai, oui... je m'inquiète pour rien. Il est en sécurité.

- Hey! Ça va par ici?

Ils relevèrent la tête en même temps. Deux soldats se tenaient devant eux, l'un avec un sourire, l'autre avec un regard ailleurs.

- Désolé si on vous dérange, on cherche quelqu'un qui aurait des bandages, ou un bout de tissu en trop. On a un ami qui a été blessé au bras et il faut rapidement soigner ça.

Francesco se hâta de chercher un vieux mouchoir dans son sac et de lui tendre.

- Voilà. Comment a-t-il été blessé?

- À la guerre, pardi!

- La guerre? Mais nous n'avons pas eu de bataille depuis Le Caire, dans la division du général Junot!

- Ouais, on revient de Jaffa, de la division de Bonaparte. C'était une véritable boucherie. Ils nous ont pris par surprise, et Bonaparte était complètement désemparé. C'est un général indécis, ils doivent mettre de sacrés coups de propagande au pays pour en faire un héros.

- À... À Jaffa?! Trembla Sébastien.

Sans attendre, il posa la question fatidique.

Francesco prêta plus d'attention à la conversation. Il avait mauvais pressentiment.

- Un p'tit rouquin de quinze ans, avec un grand brun? Ça me dit quelque chose. Ouais j'crois que j'étais avec eux durant l'attaque. Si c'est celui auquel je pense, il est mort. Une balle dans l'épaule, ça été rapide. Je m'en souviens encore, j'ai fui juste après. C'est pour ça que j'ai demandé à rejoindre la division du général Junot en renforts, c'est plus calme ici. Et puis il y a pas la peste non plus, vous verriez à Jaffa comment l'armée était ravagée...

À ce moment-là, tout s'effondra autour de Sébastien. Quelque chose se brisa en lui. Il fût tellement choqué qu'il ne pleura pas tout de suite. Puis les larmes se mirent à couler en même temps que tomba sur lui l'énorme poids de la culpabilité.

- Sébastien... a... allons, si cela se trouve, ce n'est pas lui, il a confondu... il n'est tout de même pas le seul garçon roux de l'armée!

- Si... je le sais, je le sens!! Alexandre... Alexandre!! Qu'est-ce que j'ai fait?!

- Sébastien...

- Et puis pourquoi n'est-il pas venu ici, comme ces hommes?!

- Il... Il devait déjà être mort, Sébastien...

Non, non, il refusait d'y croire! Il poussa le bras de Francesco. C'était un cauchemar, voilà tout. Il alla plus loin et se coucha sur le sable, en ramenait ses genoux à son visage. Il allait s'endormir, et demain tout cela n'aura été qu'un rêve.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now