Chapitre [136]

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Napoléon reposa son verre de bourgogne sur son bureau. Il ne buvait jamais, à vrai-dire il détestait le goût de l'alcool, mais en entendant une nouvelle infidélité de Joséphine et les tromperies de Junot le même jour, il en avait ressenti le besoin. Il avait entendu que l'alcool faisait oublier et rendait joyeux, mais au fil des verres, il ressentait plus de tristesse et de remords qu'autre chose.

Il fixa la bouteille de vin déjà presque vide.

Pourquoi tout ceux qu'il aimaient finissaient toujours par aller voir ailleurs...? Joséphine... pourquoi se jetait-elle toujours dans les bras d'un autre... il lui offrait pourtant tout... des richesses... des mots d'amour à foison... n'est-ce pas là ce dont une femme a besoin...?

Et Junot... tout comme Joséphine, il arrivait à se retrouver criblé de dettes, malgré tout l'or qu'il lui donnait... et lui aussi, il s'entourait de femmes...

À croire qu'ils s'étaient passés le mot.

La malédiction de la lettre "J".

Ou alors c'était lui qui était trop naïf et qui tombait toujours fou amoureux du même type de personnes.

Une malédiction, vraiment.

Pourquoi avait-il toujours l'impression que son entourage entier se jouait constamment de lui... pas que les deux amours de sa vie. TOUT le monde.

Il reprit une longue gorgée de sa maudite boisson.

Junot traînait dans tous les lits, oui, mais dès qu'il lui ordonnait de venir, il se hâtait. Alors que Joséphine... s'il ne lui rendait pas visite à la Malmaison, il ne la verrait jamais, si ce n'est à quelques bals. Junot l'aimait, et Joséphine le détestait. Et il ne savait ce qui était le pire entre les deux.

Joséphine... il s'était pourtant décidé à accepter ses égards, que de toutes façons son amour pour elle s'était atténué. Lorsqu'il était en Bourgogne, et qu'il voyait son beau blondinet avec ce sourire, il en avait totalement oublié son épouse. Joséphine, c'était le passé. Quand son amour est loin, on finit par l'oublier, et davantage si un autre l'a remplacé. Mais lorsqu'il l'avait recroisée à son retour et qu'elle ne l'avait même pas salué, il s'était demandé ce qu'il avait fait pour être aussi maudit en amour. Pour continuer à aimer ceux qui lui faisaient autant de mal. L'amour, c'est comme la guerre... Ça laisse des blessures qu'on ne peut pas cacher et effacer. Ah, il devrait être poète. Écrire ça dans un bouquin pour que plus tard, les petits enfants dans les écoles voient à quel point l'empereur Napoléon Bonaparte était un homme sensible au cœur fragile. Quelle ironie, lui qui se montrait si ferme en public.

- Napoleone?

Il releva la tête. Depuis quand ne l'avait-on pas appelé ainsi...?

- ...Luciano..? Prononça-t-il en relevant les yeux sur lui.

- C'est bien, tu reconnais encore ton frère cadet. J'ai un papier à te faire signer.

- Plaît-il...?

Il ne remarqua même pas la bouteille et lui plaqua la feuille au bureau.

- C'est pour la vente de la Louisiane. On a déjà signé pour tout ça l'année dernière, mais c'était sous le nom d'une République Française, et maintenant qu'on est un Empire, il faut tout mettre à jour. J'ai aussi rajouté quelques conditions. Il ne manque plus que la signature de l'Empereur.

- Je ne voulais pas... d'un Empire... je voulais juste faire de la France un grand pays...

- Oui, eh bien en faire un Empire c'était la meilleure solution pour ça! Tiens, tu signes?

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now