Chapitre [171]

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- Le général Junot demande une audience, Majesté, il désire vous parler urgemment. Dois-je le faire entrer et vous l'emmener?

- Le général Junot? Ce n'est pas tous les jours qu'il demande ma compagnie! Mais il est fort amusant et il a du charme, et puis je ne suis pas occupée, emmène-le donc.

- Bien, Majesté.

Le valet disparu tandis que l'impératrice arborait un grand sourire. Elle se sentait seule à la Malmaison depuis que ses enfants étaient loin d'elle et que son cher mari ne pensait qu'à son travail.

De plus, ce cher Junot était quelqu'un pour qui son mari avait beaucoup d'estime, lui semblait-il...

C'était encore plus drôle si de la jalousie et de la manipulation étaient de mise.

Tout en suivant le valet et en montant les grands escaliers de marbre, c'était exactement les mêmes mots qui tournaient dans l'esprit de Junot.

Son très cher général adoré avait su résister à son caprice? Il allait tout faire pour que son père puisse avoir le repos qu'il désirait. Traiter sa mère... ainsi... et parler de sa mort comme si elle était une simple femme qu'on remplace... Junot adorait son ancien général sans pareille, mais ce manque de respect dont il avait fait preuve pour ses parents lui avait mis une douloureuse flèche dans le cœur.

Il voulait se venger et lui faire comprendre la gravité de ses mots, et pour cela il allait toucher un autre point sensible, même s'il devait pour cela embobiner cette femme infidèle et profiteuse qu'il détestait.

- Majesté, Monsieur Junot est là.

- Général! Quelle joie de vous revoir, cela faisait si longtemps.

Elle était étendue sur le lit, dans une pose tendancieuse qui aurait fait perdre ses moyens à Junot, s'il s'agissait d'une autre personne.

Mais au lieu d'afficher cette surprise, il lui sourit faussement - et on ne sut lequel des deux eut l'air le plus faux.

- C'est vrai. Mais c'est toujours un plaisir de converser avec vous, Majesté.

- Hm, il paraît que vous vouliez me parlez d'un sujet urgent? Asseyez-vous ; je vous écoute.

Il ne se fit pas prier et alla s'asseoir sur un fauteuil, des larmes commençant déjà à perler dans le coin de ses yeux.

- Voyez-vous, mon père a perdu le goût du travail depuis qu'il est affligé par la mort de ma tendre mère... le deuil est si difficile pour lui, et l'empereur n'a fait preuve d'aucune compassion à son égard... c'est pourquoi je viens vous solliciter, peut-être saurez-vous ouvrir son cœur qu'il tient à présent fermé avec un cadenas dont je n'ai plus la clé...

Joséphine l'écoutait, la main sur la joue soutenant son visage, et fut frappée par cet égoïsme dont faisait encore preuve son mari. Certes, elle était mal placée pour parler de générosité, mais elle avait perdu un mari, et elle savait ce que c'était de perdre un être cher.

- Je comprends votre plainte... sachez que je suis moi aussi outrée de cette incompréhension et cette ignorance dont il a fait preuve. Votre histoire me touche, général... je vous promets d'essayer d'y remédier.

- Majesté, vous êtes trop bonne, lui dit Junot en lui prenant la main avec un visage inspirant la pitié. Je ne pourrai jamais vous être assez reconnaissant.

- Votre sourire seul me suffit...

- C'est très aimable à vous. Maintenant si vous voulez bien m'excuser, j'ai à faire, je ne puis rester ici plus longtemps.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now