Chapitre [134]

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Sébastien releva la tête pour jeter un coup d'œil dehors. Il faisait déjà nuit.

Il lâcha un long soupir et fixa le plafond. Francesco n'était pas revenu... il devait donc réellement être parti chez Gabriel. Il l'avait laissé...

Déjà qu'il s'ennuyait lorsque Francesco était là, mais sans lui, c'était encore pire. Et il n'avait aucune envie de descendre à l'auberge. Rencontrer des gens et parler avec eux... l'horreur!

Il était donc tout seul... encore... il avait dormi toute la journée et pourtant des cernes décoraient ses yeux. Francesco, il était toujours de bonne humeur, il avait toujours envie d'entreprendre de nouvelles choses... mais lui, était-ce de sa faute s'il n'avait jamais envie de rien faire? Si depuis la mort de son petit frère, il n'arrivait plus à rien, depuis cette mort qu'il avait sur la conscience, il parvenait à peine à reprendre goût à la vie?

Son compagnon ne semblait pas comprendre tout ça. Il avait des hauts et bas, parfois il faisait des efforts, mais s'il était paresseux, ce n'était pas par choix. Il tentait d'oublier, d'oublier jusqu'à son jeune frère, mais tout ça lui pesait sur le cœur. S'il ne l'avait pas autorisé à aller à la guerre avec lui, s'il ne s'était pas séparé de lui... s'il ne s'était pas lui-même engagé... il aurait été un lâche, mais qu'importe. Il en était un malgré tout. Parfois, il enviait tellement Francesco et son insouciance... lui aussi, il avait perdu son jeune frère et sa sœur également, et pourtant cela n'avait pas l'air de l'avoir troublé. Il les aimait, pourtant, il lui parlait souvent d'eux. Alors pourquoi, comment faisait-il...? Enfin... au moins, ce n'était pas de sa faute s'ils sont morts... il ne portait pas sur ses épaules l'énorme poids de la culpabilité...

Il se retint de pleurer. Il était trop fatigué pour ça. Il devait penser à autre chose. Il observa la pile de livres. À défaut de le rendre heureux, ça le distraira peut-être un peu.

Il sortit du lit et s'avança vers leur semblant de bibliothèque en trébuchant. Il ne s'était pas levé de la journée, et son corps était engourdi.

Alors qu'il s'accroupissait pour chercher parmi les livres, il paniqua soudainement. Et si Francesco ne revenait pas? Et s'il l'avait réellement abandonné? Les battements de son cœur s'intensifièrent. Non, non, jamais il ne pourrait faire ça... il connaissait parfaitement Francesco, il n'en serait pas capable!

Il fixa la couverture du livre qu'il avait empoigné par hasard. Il le reconnu, c'était un ouvrage sur l'Antiquité Romaine avec beaucoup de gravures. Il l'ouvrit, et parcouru rapidement les pages d'empereurs et de palais. Un peu réducteur, tout ça... mais on avait l'air de pouvoir y apprendre des choses. Il se releva et regagna son lit en se plongeant complètement dans sa trouvaille, tentant d'oublier ses angoisses.

~ ☘ ~

La Lune éclairait la chambre comme une véritable lumière, et son rayon passait par la fenêtre pour éclaircir les visages des jeunes hommes, ainsi que le haut de leur corps.

Francesco caressa légèrement la joue puis les cheveux de Gabriel, avant de s'attarder sur son torse, qu'il caressa aussi avec sensualité. Il déposa un baiser sur sa tempe où perlaient quelques gouttes de sueur, et vint se loger dans ses bras. Son corps chaud se colla au sien avec aise. En regardant furtivement son visage, il continua de caresser de ses doigts le torse peu bronzé et décoré de quelques tâches de rousseur. Gabriel frémit légèrement, et passa sa main dans les longs et épais cheveux bouclés de son ancien frère d'armes.

- Francesco...

Il lui embrassa doucement le front.

- Cela ne te gêne pas de m'accorder cette affection...? Que dirait Sébastien? Lui qui est si jaloux.

- Sébastien, s'il savait certaines choses...

- Et moi, ai-je droit de les savoir, ces choses?

- Seulement si tu promets de ne pas les lui répéter.

Il enlaça sa main dans la sienne.

- Je promets, sourit-il en l'embrassant furtivement.

Le napolitain resta un instant silencieux, avant de reprendre :

- Eh bien, tu sais, l'auberge de Marie, elle fonctionne bien... et j'ai réussi à y acquérir assez d'argent...

- Oui, et?

- Et, ce n'est pas que grâce à ma cuisine et à mon service.

- Tu veux dire que... oh, Francesco!

- Quoi? J'ai bien le droit! Il y a de très beaux jeunes hommes parfois. Et puis c'est une fabuleuse affaire, non? Non seulement je peux passer du bon temps avec de jolis garçons, mais en plus il me payent.

- Francesco... tu es intenable...! Rit Gabriel. Tu es pire qu'Andreas... pourquoi cela ne m'étonne-t-il pas?

- N'exagère pas!

- Et Sébastien ne sait rien, je suppose.

- Bien sûr que non! C'est pour cela que je t'ai demandé de ne pas lui communiquer. Tu imagines? Il mettrait le feu à l'auberge s'il savait...!

- Ça, c'est certain...

- Et puis je ne fais pas cela tous les soirs non plus. Seulement lorsque j'en ai envie, et que ce que l'on m'offre est alléchant, appuya-t-il.

- Je vois, tu es devenu une courtisane très demandée, rit Gabriel.

- En effet, j'avoue avoir mon petit succès~.

Il rit à son tour et plongea quelques secondes ses yeux dans les siens, avant de délicatement sceller leurs lèvres.

Gabriel se recula au bout de quelques secondes et le regarda d'un sourire.

- Mon Francesco... tu es bien trop avide des plaisirs de la chair, se moqua-t-il gentiment.

- Hm... ne vois pas cela en mal. Je le suis peut-être, mais pour apprécier le corps d'une personne, il me faut aussi apprécier son esprit. C'est bien différent... que ce soit avec Sébastien, toi, ou un autre, chacun me fait un effet unique. J'aime m'amuser avec certains, mais aussi converser avec eux. Je suis un homme complexe...

- Je ne trouve pas... je trouve cela très simple, avoua Gabriel en lui caressant la joue.

- Je ne sais pas exprimer mon affection par les paroles... alors je l'exprime par des baisers.

Il l'embrassa encore, bien plus profondément que toutes les dernières fois. Après un long baiser langoureux, il posa son front contre le sien.

- Francesco... Sébastien, il tient énormément à toi, tu sais. Votre lien est puissant... et pas que votre lien matériel. Vous êtes liés par quelque chose de beaucoup plus fort.

- Et avec toi?

- C'est également le cas. Mais c'est encore autre chose.

- C'est vrai qu'avec Sébastien... je ressens une chose que je ne ressens jamais pour un autre. Mais ce n'est pas de l'amour... j'ai même plus l'impression de ne pas le supporter, parfois. Comment expliquer... c'est comme si je m'étais donné pour mission de prendre soin de lui, et que nous avions besoin l'un de l'autre, d'une manière très étrange.

- Je comprends, c'est peut-être compliqué pour toi, mais je comprends.

- Mais assez parlé de Sébastien. En cet instant, je suis avec toi, et je compte bien en profiter...

Il mit sa tête dans son cou, qu'il mordilla légèrement.

- F... Francesco! Hm... quel... vilain soldat...! N'en as-tu pas eu assez...?

- En amour, comme à la guerre, je ne suis jamais rassasié, souffla-t-il en continuant de dévorer son cou.

- Tu...!! Hmm-m...!!

Ses mains descendaient le long de son corps dévêtu, sur lequel aucun tissu ne le séparait du sien. Collé à lui, il ne s'arrêta pas à l'embrasser partout où il était possible.

Penchant légèrement la tête en arrière sans se retenir de s'exprimer, Gabriel serra fort son ami cher contre lui.

Très fort...

Folie rime avec irréfléchiOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz