Chapitre [58]

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- Hé, vous ne savez pas la nouvelle, S'exclama Gabriel en s'avançant vers ses amis.

Il regarda tour à tour chaque soldat, tous assis et mangeant du pain et du couscous dans des bols de bois.

- Dis-nous.

- Je reviens d'en ville, où j'ai été chercher de l'eau, et j'ai entendu que l'amiral Nelson avait anéanti la flotte française à Aboukir. Le général Bonaparte est fou de rage, apparemment...

- Cela signifie qu'on ne va plus pouvoir rentrer au pays?! S'étouffa Sébastien.

- Oh, moi cela ne me dérange pas de rester ici plus longtemps que prévu, dit Andreas en haussant les épaules. Et puis il y a de très beaux jeunes hommes parmi les arabes!

- Apparemment... après, je n'ai pas connaissance des mesures qui vont être prises. Il vous reste un morceau de pain? Demanda-t-il en s'asseyant près d'eux.

- Moi, je l'apprécie, l'amiral Nelson. Il paraît même que c'est un très bon amiral. Et en plus, c'est un grand allié de Naples!

- Francesco, dans quel camp es-tu?!

- Hmm... de personne, honnêtement. De Naples, a priori, mais...

- Quoi qu'il en soit, nous pouvons dire au revoir à notre belle France pour un moment, annonça Gabriel avec un calme olympien.

- Mais... mais... Pour combien de temps?!

- Très bonne question... nous verrons bien. En attendant, bon appétit.

Valentin et Alexandre, eux, ne disaient rien. Ils mangèrent en silence, n'ayant pas vraiment digéré la nouvelle.

- SUIS-JE LE SEUL À M'INQUIÉTER ICI??!! Cria Sébastien en se relevant. NOUS N'AVONS PLUS DE FLOTTE POUR RENTRER!!

- Alors nous rentrerons à la nage, rit Francesco.

- Tous dévêtus!! S'exclama Andreas.

- VOUS... VOUS!!

- Allons, calme-toi Sébastien, lui recommanda Gabriel avec un sourire rassurant. Je suis certain que les généraux vont trouver une solution.

- O... Oui... tu as raison, finit-il par dire en prenant une grande inspiration.

- Tiens, bois un peu d'eau.

- Merci...

- Et puis, nos supérieurs savent ce qu'ils font... n'est-ce pas?

~ ☘ ~

Un vase s'éclata en morceaux sur le sol.

- Ces enflures d'anglais... comment ont-ils pu!!

Junot observait son général tourner en rond au milieu de la pièce, de son canapé sur lequel il mangeait tranquillement des raisins. Il se servit un verre de vin et le bu d'une traite.

Ce palais était vraiment magnifique, presque ressemblant à ceux des contes d'Orient. Mourad-Bey n'avait pas lésigné en le décorant. Il était peint de milles couleurs vives aux motifs orientaux, et les meubles étaient tous aussi exotiques. L'influence ottomane y était à son paroxysme. Il leva les yeux au plafond, immensément haut, soutenu de colonnes de marbre rose, et construit du même matériaux. Quand au sol, il était en dalles ou en carrelage, suivant les pièces. Junot aurait aimé avoir ce type de demeure à Paris. L'on parvenait presque à entendre le chant de danseuses d'Orient à la peau dorée.

- Junot, m'écoutes-tu?! À quoi sert ta présence?! Si c'est pour faire office de statue, tu peux sortir, il y en a déjà bien assez ici!!

- Hm, j'étudie votre potentiel nerveux. Vous avez le sang chaud.

- Et tu n'as rien de plus intéressant à me communiquer?! Et puis ne sais-tu pas êtes sérieux?! La flotte française!! Disparue!! Comment allons-nous faire?! Le Directoire, je suis sûr qu'il est sur le coup!! Ces chiens se sont alliés aux anglais pour se débarrasser de moi!!

- Allons, qu'avancez-vous? Venez donc vous asseoir et vous calmer un peu en goûtant ce délicieux vin, proposa-t-il en levant la bouteille entamée.

Napoléon attrapa la bouteille d'un geste vif et la jeta violemment au sol, laissant le carrelage blanc se colorer de rouge pourpre à travers les débris de céramique.

Junot ne sursauta même pas, soit déjà ivre soit habitué. Mais la vue de son précieux liquide s'éparpillant au sol le fit réagir.

- Mon... vin...! Vous êtes un monstre!!

- NOTRE FLOTTE VIENT D'ÊTRE ENTIÈREMENT COULÉE OU FAITE PRISONNIÈRE ET TOUT CE À QUOI TU PENSES, C'EST À TON VIN??!! SANS FLOTTE, TU NE POURRAS PLUS JAMAIS EN FAIRE VENIR, DE VIN!!

Junot le regardait maintenant avec de gros yeux plein de larmes.

- P... Pardon!!

- Tu peux bien t'excuser!! Sors d'ici.

- Mais...

- SORS D'ICI!!

Tête baissée, le bourguignon se leva et sortit de la pièce en reniflant. Vraiment... ce n'était pas juste... mais il n'allait pas abandonner!! En vérifiant qu'il n'y ait personne autour, il se rendit discrètement à la chambre de son général. Puis il se faufiler jusqu'à son lit, dans lequel il s'installa confortablement en s'enroulant dans les fins draps de satin. Non mais!

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now