Chapitre [165]

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L'air hivernal était frais, un peu trop même, dans ce pays autrichien, mais cela ne décourageait pas les soldats qui étaient persuadés d'une victoire future.

Tout autant que notre cher empereur qui avait été prévenu d'une arrivée imprévue.

Fixant l'horizon avec sa longue-vue, il se demandait encore qui ce pouvait être, cette homme à cheval qui se dirigeait vers leur camp.

- C'est un officier-général... dit-il en reconnaissant le costume. Mais en vérité, si la chose était possible... je croirais que c'est Junot... quel jour sommes-nous, Berthier?

- Le premier décembre, Majesté.

- Alors ce ne peut être lui. Il a douze cent lieues à faire pour nous rejoindre, et, même avec la meilleure volontée du monde...

Mais il s'était trompé, car l'aide-de-camp de service vint lui annoncer l'arrivé du général Junot.

Dès qu'il arriva, Napoléon vint à lui, n'arrivant pas à exprimer ses émotions, mélangé entre la joie, la colère et la surprise.

- Bon sang, Junot!! Il n'y a que toi pour faire des choses comme celles-là! Arriver à la veille d'une grande bataille, et faire pour cela douze cent lieues, et surtout quitter un poste d'ambassadeur pour le canon! Il ne manquerai plus que d'être blessé dans la bataille de demain!

- J'y compte bien, mais par la dernière balle! Répondit-il avec un rire et un sourire fier. Il faut que l'ennemi me laissent d'abord effectuer mon travail auprès de vous.

- Ma foi, mon cher, il ne te reste plus que cette place-là. Tu es arrivé trop tard, et tous les corps d'armée sont donnés, même tes beaux grenadiers d'Arras, ceux que tu avais entraîné. Ce sont de vigoureux garçons... et ils ont un bon chef.

- Oui, oui, je ne regrette pas de les lui laisser. Il les mènera vaillamment. Mais, vous savez, je suis si heureux de me retrouver en compagnie de votre personne, comme à l'armée d'Italie...

- Tu es trop nostalgique. Nous n'avons pas le temps pour ça. Tu devrais aller te préparer pour demain. Ah! Quel fou es-tu de m'avoir rejoint!

Et il partit dans sa tente sans rien dire de plus.

Junot afficha une mine déçue. Il avait fait tout ce chemin, traversé seul à cheval toute l'Europe occidentale, et tout ce qui l'accueuillait était un empereur au visage morne qui ne le regardait même plus dans les yeux. Lui était pourtant si heureux de le revoir... Mais où était donc passé le général flamboyant auquel il tenait tant...? Son général avait maintenant trop de masques, et il ne parvenait plus à les enlever...

~ ☘ ~

Bien loin des canons et des baïonnettes, dans la capitale espagnole où il était revenu, Lucien était dans sa chambre et s'énervait lui-même contre sa veste qu'il ne parvenait pas à déboutonner.

- LE THIERS!! AU PIED!!

Le garçon accouru immédiatement, alerté.

- M... Me voici, Monsieur. Majesté.

- Déboutonne-moi tout de suite cette foutre de veste!! Où étais-tu encore?! À paresser dans un coin, bien sûr, comme d'habitude!!

- T... Tout de suite... Il s'exécuta maladroitement, pressé par la voix criarde de son maître. Non... J'étais occupé à nettoyer le grand miroir du couloir... celui que vous avez fait installer la semaine dernière...

- Et alors?! Je dois toujours avoir mon chien auprès de moi en cas de besoin! Je t'interdis de me quitter sans autorisation.

Intimidé, Le Thiers hocha juste la tête. Il aurait bien fait une réflexion sur le fait qu'il le nomme encore ainsi, mais il sentait qu'il ferait mieux de se retenir. Il repensa d'ailleurs à la femme de Junot. Il n'avait entendu aucune nouvelle sur sa mort. Peut-être son maître s'était-il résigné? Si c'était le cas, il en était réellement heureux.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now