Chapitre [117]

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Junot s'ennuyait profondément. Il était à un bal où l'on l'avait forcé à aller, et s'il n'avait pas fait la promesse de rester à sa stupide femme, il serait déjà parti depuis longtemps.

D'ailleurs, il s'ennuyait tellement, assis sur sa petite chaise dans un coin entre deux bustes, qu'il avait fini par se mettre à somnoler.

Il se serait endormi si l'on n'était pas venu le réveiller.

Non, ce n'était pas sa femme, occupée à danser avec d'autres hommes plus loin, mais bien Augereau, vêtu d'un accoutrement pittoresque. L'on avait dû lui faire une farce, ce n'était pas possible.

- Eh bien! Luron, qu'est-ce que tu fais donc là à dormir? Est-ce que tu vas attendre longtemps ta bourgeoise?

- Hm...? Elle danse... il sortit sa montre à gousset en bâillant et y jeta un œil. Il est déjà tard, elle ne devrait pas tarder à cesser de danser.

Augereau retira son chapeau à plumes et se pencha sur lui.

- Diable, t'as là une fameuse toquante! Mais tu as toujours été un muscadin, toi. Même à l'armée d'Italie, en milieu d'bataille, t'étais doré comme un calice! Il fallait le faire!

Junot haussa un sourcil. Il ne comprenait rien à ce fichu jargon. Il ne pouvait pas parler comme tout le monde ici?

- Tu peux me la refaire en une langue compréhensible?

- Je peux te la refaire en allemand, en napolitain, en italien, en hollandais, en espagnol et même en anglais!

- Et en français, c'est possible? Râla-t-il.

- Je disais que tu étais toujours d'une incroyable coquetterie.

Pour le coup, le bourguignon prit mal la remarque.

- Et toi, t'es-tu vu? Qu'est-ce donc que cet accoutrement? Tu as perdu un pari?

Augereau paru offusqué à son tour. Il prit un air faussement dramatique.

- Je te signale que j'ai passé mon après-midi entière à choisir cette tenue! Tu n'aimes pas cette magnifique veste luisante, et toutes ces dorures? Cette magnifique culotte de satin blanc? Et ce chapeau, mais ce chapeau!

- Non, c'est d'un ridicule. Et pourtant, j'aime ce qui est coloré. Peut-être ne sont-ce pas ces vêtements qui sont ridicules, mais celui qui les porte.

- Oh! Comme tu es blessant! Je me suis fait au milieu, voilà tout. À la cour il faut être comme à ma cour, comme on dit! Et puis la fréquenter, ce n'est pas un si mauvais jeu ; c'est même amusant!

"Les gens idiots, hypocrites, profiteurs, tellement drôle..." Se retint de dire son interlocuteur.

- Les gens ne pensent vraiment qu'à l'argent, ici, continua-t-il. J'aimerais les y voir, à mendier pour un bout d'pain.

- Hm... oui...

- Hé! Ne te rendors pas!

Et pour être sûr que ce ne sois pas le cas, il lui donna une légère claque. Junot lâcha un grognement en le toisant du regard.

Vite, le remettre de bonne humeur... évoquer un sujet qui le fera sourire.

- J'espère que tout va pour le mieux avec Bonaparte et que vous vous êtes réconciliés. J'veux votre bonheur, moi.

- Oh, ne t'inquiète pas pour ça... nous nous sommes bien réconciliés, très bien même...! sourit malicieusement Junot en se rappelant de la nuit dernière.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now