Chapitre [153]

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Napoléon regarda tout autour de lui.

C'était un quartier dans lequel il n'était encore jamais allé. En fait, il ne connaissait pas vraiment Paris, à part les Tuileries et le quartier où il avait vécu durant sa jeunesse. La capitale s'étalait bien plus qu'il ne le pensait.

Augereau lui avait montré divers endroits, des maisons de joie réputées et bien tenues, d'autres pauvres et sales. Des auberges, des instituts de science, d'art, des salons de littérature, la Cour des Miracles, la rue de Rivoli, l'observatoire. Parfois il les connaissait déjà, souvent, non.

La plupart du temps, il restait caché derrière son ami, comme par peur. Il était d'ailleurs accroché à son bras, persuadé que le maréchal pourra le protéger en toutes circonstances.

La rue dans laquelle ils marchaient depuis plusieurs minutes était très animée, la population comme les animaux de basse-cour circulaient librement entre les petites maisons aglutinées. Ils venait de passer un petit marché, et l'odeur tout comme les cris des commerçants leur parvenaient toujours.

Il commençait déjà à être tard, même si le Soleil était encore haut dans le ciel, caché derrière quelques nuages. Tout en continuant sa marche, Napoléon repensa à son début d'après-midi. Certains des endroits visités l'avaient choqué, d'autres intéressé. Il n'avait pas encore été émerveillé, mais connaître mieux la ville sur laquelle il régnait de premier abord était important. Il comprenait mieux pourquoi jadis, les rois mérovingiens étaient itinérants, et voyageaient dans leur royaume pour rencontrer leurs sujets. Il sortait parfois, caché sous sa cape comme il l'était maintenant, demander l'avis de la population sur sa personne. Mais jamais encore il ne s'était attardé plus loin que les quartiers limitrophes aux Tuileries. Il faut dire aussi que sa jeunesse dans les petits quartiers parisiens ne lui rappelaient pas de bons souvenirs, même si étrangement il regrettait un peu cette époque. Et puis il avouait qu'il s'était fait à la vie mondaine et aux grands palais.

Il s'arrêta devant une fontaine, et remplit ses mains de l'eau qui en découlait. Augereau l'interrompit avant qu'il ne puisse la porter à ses lèvres.

- J's'rais vous, j'boirais pas cette eau.

- Pourquoi? J'ai soif.

- Le luxe vous a ramolli la cervelle! Je parie qu'il y a dix ans, vous n'auriez pas fait ça. Déjà, le quartier n'est pas très propre, et en plus, cette eau provient probablement des égouts.

L'empereur jeta de suite cette eau devant lui. Il grimaçait, qu'avait-il été stupide aussi! Augereau avait raison. Il y a dix ans, il ne se serait pas approché de cette fontaine si ce n'est pour s'assoeir sur son rebord.

- Allez, venez donc. Nous ne sommes pas loin de l'endroit où j'voulais vous emm'ner.

Il s'empressa de revenir à ses côtés, honteux de s'être montré si naïf.

Sans le lâcher, il le suivit jusqu'à une petite rue, en cul-de-sac. Puis il passa une porte, au-dessus de laquelle flottait un tissu vert.

L'intérieur était si décoré qu'il en fut estomaqué. Ici point de fleurs ou de tableaux, mais des tapisseries orientales, des vases, des canapés aux coussins colorés. Et encore, ce meuble ne désignait qu'un coin de la pièce.

Près de l'entrée de trouvaient plusieurs tables rapprochées, autour desquelles discutaient des hommes dans une langue qu'il ne parvint pas à distinguer. Il ne s'attarda pas sur leur nourriture, car son attention se porta plus loin, où six enfants étaient assis devant un homme. Vêtu d'une djellaba et faisant de grands gestes, il semblait leur conter une histoire ou leur faire la classe.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now