La Lumière d'Asthéa : la Princesse Déchue

Chapitre 10 : Première Partie

Sverd

-Êtes-vous certain de vouloir partir maintenant ?

-Oui, répondit Alyssa à sa mère. Nous ne voulons pas vous déranger plus longtemps

L'orphelinat et les habitants étaient tous rassemblés pour leur départ, à l'entrée du village. Trois jours étaient passés depuis l'attaque de ces mercenaires. Il avait fallu attendre qu'Alyssa récupère de ses efforts. Pendant ces trois jours, elle était restée au lit, sous la demande – ou plutôt l'ordre de Liam et d'Elléïs, se contentant de dormir et de se réveiller que deux fois pour manger.. Elle était tellement faible, que quelqu'un devait l'aider. Heureusement, entre temps, les enfants s'étaient réveillés et Kendra avait annoncé que leurs vies n'étaient plus en danger. Alyssa avait donc pris la décision de partir.

Ces trois jours avaient aussi permis à sa famille de faire son deuil. La mort de son père avait laissé une cicatrice à jamais dans les cœurs de sa famille. Mais il savait que sa mère et sa sœur étaient des femmes fortes qui s'en remettraient. Déjà, elles étaient retournées au travail, disant qu'elles n'avaient pas le temps de se morfondre. Les orphelins comptaient sur elles, elles ne pouvaient pas se laisser aller comme elles le voulaient. Et Sverd se sentait en parti responsable. Si seulement il avait été avec Alyssa, à ce moment là, il aurait pu éviter la perte d'un être cher. Sa mère et sa sœur n'auraient pas eu à porter ces affreuses robes noires en laine, et lui n'aurait pas eu à connaitre cette horrible souffrance. Il chassa cette pensée de son esprit. Alyssa le lui avait montré : Quoiqu'il se passe, il devait continuer à avancer. Le monde n'allait pas l'attendre, il devait se détacher du passé.

-Bien, si vous le désirez vraiment, je ne peux aller contre.

-Je suis...vraiment dé...

-Ne dites pas un mot de plus, la coupa-t-elle. Ce n'est pas de votre faute

-Si seulement je n'étais pas partie seule...répondit Alyssa la voix tremblotante

Sa mère sourit et posa sa main sur la joue de la princesse. Ce geste maternel qu'elle avait avec pratiquement tout le monde.

-Vous ne pouvez rien y changer, mon mari a désiré sacrifier sa vie pour la vôtre. Je respecte son choix. Vous devriez faire de même. Il est mort pour vous protéger, ne dévalorisez pas ce geste.

Comme à son habitude, sa mère avait su trouver les mots justes. Il savait qu'elle se sentait coupable. Mais personne ici ne pensait comme elle.Une fois qu'il n'avait plus sentit le poids de la botte de cet enfoiré, il s'était relevé, bien décidé à lui trancher la tête. Mais il avait découvert un corps sans vie transpercé de piques de glaces à trois endroits. Il s'était retourné vers Alyssa et l'avait attrapé par ses vêtements avant de la secouer. Maintenant qu'il y repensait, ce geste était légèrement déplacé. Il lui avait alors hurlé que ce n'était pas juste, que c'était à lui de tuer cet être immonde. Que c'était son père et pas le sien. Elle l'avait regardé droit dans les yeux. Son regard était aussi froid que la glace.

-Il était une menace à mon existence. Toute menace doit être éliminée.

Ces mots lui avaient glacé le sang. Où était passé dont la jeune fille chaleureuse qu'il avait appris à connaitre ? Il l'observa tandis qu'elle embrassait les orphelins. Elle avait retrouvé son attitude habituelle, mais ce souvenir resterait à jamais ancré dans sa mémoire. La Princesse de Glace. Mais il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Il n'avait même pas été capable de venger son père. C'était Alyssa qui l'avait fait, manquant de peu de perdre sa vie par la même occasion. Il ne pourrait jamais se pardonner cette faiblesse. Pendant qu'il était perdu dans ses pensées, sa mère s'approcha de lui et le regarda avec des yeux, soupçonneuse :

-Sverd ?

-Hm ?

-N'y pense pas.

Il regarda sa mère... Elle savait à quoi il pensait. Il soupira, cette femme le connaissait trop bien.

-Pourquoi ? Quelqu'un doit payer...

-Non. Ce n'est pas à toi de décider qui paye ou pas, le coupa-t-elle fermement, elle se radoucit et lui sourit. Tu es trop jeune encore pour porter un tel poids sur tes épaules.

Il ne lui répondit pas. Si ce n'était pas à lui de décider, alors qui ? Son regard se porta de nouveau sur Alyssa qui serrait dans ses bras le petit Nollan en pleurs, la petite boule de poils blanche à ses pieds. Un tigre morphur d'après les autres. Il n'avait pas quitté, ne serait-ce qu'un instant Alyssa pendant qu'elle était alitée. Elle ? Pourquoi ? La Alyssa qu'il avait trouvé là-bas et celle-ci semblait tellement différente. Celle qui se tenait en face de lui semblait ordinaire, chaleureuse telle qu'il l'avait connue... la seconde ressemblait plus à une reine, au-dessus des autres et intouchable, que l'on pouvait atteindre... impartiale, une qui juge et qui condamne. Il se renfrogna. Peu importe, elle n'avait pas le droit de lui faire ça. Elle n'avait pas le droit de lui ôter sa vengeance. Elle a tous les droits lui souffla une voix dans sa tête. Il sentit des bras l'entourer

-Prends-soin de toi petit frère...Il serra sa sœur ainée dans ses bras. Jusqu'à aujourd'hui ils avaient toujours été ensemble. C'était un vrai déchirement, mais son avenir était ailleurs. Il l'avait finalement compris.

-Toi aussi...Prends soin d'Hilla...Faites attention aux ivrognes...Ne restez pas ouvert trop tard...Prends soin des orp...

Sa voix se brisa en un sanglot qu'il étouffa contre l'épaule de Véra, qui lui murmura quelques chut apaisants. Exactement comme quand ils étaient plus jeunes. Ne voulant pas repartir dans de douloureux souvenirs, il se détacha et rejoignit le groupe qui l'attendait déjà et tous prirent la route.

Durant ces trois jours, il s'était senti plus proche de sa mère et de sa sœur. Quelle ironie, il lui avait fallu la mort de celui qui l'avait pratiquemment élevé pour se rendre compte à quel point il aimait ses parents adoptives. Avant, il était juste persuadé de ne ressentir que de la reconnaissance envers eux, voir une grande affection. Mais maintenant, ils étaient tous les deux aussi précieux à ses yeux que Véra. Si seulement il s'en était rendu compte plus tôt... Il s'arrêta de marcher... Il n'avait jamais dit à son père qu'il l'aimait.

A cette idée ses yeux s'écarquillèrent. Il fit demi-tour et couru vers sa mère, la prit dans ses bras et la serra fort contre lui

-Je t'aime...maman, dit-il les yeux fermés afin de savourer cet instant.

Jamais il n'aurait pensé que prononcer ces deux petits mots puisse lui faire autant de bien. Il sentit la surprise de sa mère et bientôt ses bras si chauds vinrent l'entourer à leur tour.

-Moi aussi...Oh mon bébé...Mon fils... dit-elle doucement.

Sverd sentit des gouttes tombées dans ses cheveux. Il releva la tête et vit le visage en larmes de sa mère. Mais son sourire...Jamais il ne l'avait vu sourire comme ça. D'un sourire si beau qu'il se voyait à travers ses yeux violets. Un sourire plein de reconnaissance, de bonheur mais aussi plein d'amour.

-Sverd ! Tu es prêt ? cria Alyssa au loin.

Il sourit et les rattrapa en courant.

Maintenant oui.